PORTRAIT : Anthony Marchand, de l’ombre à la lumière

Crédit photo : ATM-Communication

Hier dans l’ombre de grands navigateurs, aujourd’hui concurrent redouté. Celui qu’on surnomme « Antho » sur les pontons, a été préparateur, équipier, performer, skipper, il a cumulé des milles et des rencontres entre ombre et lumière. Sa carrière, il ne la doit qu’à lui, personne dans sa famille n’a jamais mis les pieds sur l’eau. Pas un livre de Moitessier sur les étagères…Pourtant, la voile est entrée dans sa vie sans prévenir, un peu comme un coup de foudre. Il est aujourd’hui à la barre d’un des plus grands bateaux de course au monde. A bord d’Actual Ultim 3, il a trouvé sa place et écrit l’histoire d’un trimaran qu’il n’a cessé de faire progresser. Le 7 janvier, il sera au départ d’une course inédit e : l’Arkea Ultim Challenge – Brest, tour du monde en solitaire sans escale.

L’histoire d’un déclic et d’une succession de décisions intuitives

Du haut de ses 1m80 et avec la décontraction et l’authenticité qui le caractérisent, Anthony raconte comment il a été attiré très jeune par le large. « C’était un mercredi, une sortie scolaire, j’avais 8 ans, on nous a mis tout seuls sur des Optimist… ça a été une sorte de déclic : une sensation de liberté, de force, de pouvoir aller où tu veux... »

Enfant, Anthony pratiquait d’autres sports que la voile : le foot, le Taï jitsu, la gymnastique… mais le bateau a toujours eu sa préférence : « en voile, au moins, on te catapulte directement dans le grand bain ! » Son goût du défi ne date donc pas d’hier ! Après sa découverte de l’Optimist, il retourne naviguer : les mercredis, puis les samedis et les dimanche s… Plus il en fait, plus ça lui plaît.

Alors guidé par ce profond plaisir de naviguer et de régater, le jeune Costarmoricain choisira un lycée avec des horaires aménagés de façon à intégrer le Pôle Espoir de Brest : « Je naviguais du jeudi au dimanche : mon but était juste de faire le plus de voile possible. » Il est en Équipe de France Jeune, lorsqu’il empoche son Bac Pro, mais la préparation olympique et tout ce que cela induit ne lui conviennent pas…

Un bosseur qui s’adapte à tous les supports

Anthony a 20 ans, aucun plan de carrière en tête, mais il goûte à l’ivresse de la vitesse sur les trimarans ORMA et sait parfaitement où il veut aller : « J’étais attiré par les gros bateaux ». Il toque alors aux portes des équipes de course au large. Yvan Bourgnon lui ouvre celle de son team pour un stage d’un mois : « J’ai fait un peu de tout et je naviguais à chaque sortie : ça s’est super bien passé ! » Sa débrouillardise, sa personnalité, sa soif d’apprendre font mouche, il sera embauché à suivre chez les teams voisins.

Sa capacité d’adaptation aux différents supports surprend : « C’est quelqu’un de doué. Tu le mets sur un skate, sur un kite ou des skis, il y arrive en 30 minutes ». En 2006, entre deux saisons ORMA, Anthony découvre le Mini, puis le Figaro. « J’ai décidé de me lancer sur ce circuit, pour naviguer et apprendre. J’ai découvert un niveau de compétition génial, uniqu e ! ». Il n’a que 22 ans, déjà 3 transats à son actif. 

De ses dix saisons sur le circuit Figaro Bénéteau, il retient avant tout la découverte des pouvoirs du corps humain : « On a un potentiel énorme, que l’on n’exploite pas. C’est fou jusqu’où on peut aller mentalement et physiquement. Ça me plaît d’aller chercher ces limites-là, il y a une sorte d’ivresse. Avec la fatigue, tu te mets dans des états un peu seconds. »

Aller vite mais sans brûler les étapes

Ceux qui côtoient Anthony à terre, évoquent sa force tranquille et sa profonde gentillesse. A aujourd’hui 38 ans, c’est un marin chevronné et un ami très entouré. Il propose plus qu’il impose, il avance sans jamais forcer, c’est ainsi qu’il a intégré le team Actual en 2021. Il a eu envie de revenir aux « gros bateaux ». Aujourd’hui, Anthony se prépare à un nouveau défi, qu’il appréhende à sa façon : step by step. Un cheminement qu’il ne doit qu’à lui, à son amour de la voile et des trimarans géants, à sa capacité à se dépasser, son envie et son ouverture. Il aime aller vite, repousser ses limites, mais jamais en brûlant les étapes. Il n’y a aucune activité qu’il considère ne pas être pour lui.

Une personnalité qui cache un esprit intense de compétition. Pour aller chercher la performance, Anthony est capable de se transcender. Le personnage calme révèle alors une niaque et une soif de victoire à toute épreuve. Ses amis le disent « câblé différemment ». « A terre, il peut avoir peur des araignées mais dans le grand Sud, il peut aller réparer un truc par 5 degrés à califourchon sur le bout dehors, la tête à l’envers ! » dit le skipper Paul Meilhat qui ajoute « n’avoir jamais vu un soupçon d’angoisse dans son œil ». Il fait partie de ces marins capables d’encaisser le st ress de la haute vitesse dans la durée… et ils sont peu nombreux. Un précieux atout pour faire face au défi qui l’attend : l’Arkea Ultim Challenge - Brest, premier tour du monde en solitaire de l’histoire de la course au large, sans escale, en multicoque. Départ de Brest le 7 janvier !

'Antho' à la loupe

Ta plus grande fierté de marin ?
Gagner des étapes de la Solitaire du Figaro

Ton personnage phare ?
Peter Blake : il a fait les Whitbread, la Coupe de l’America… Il était excellent sur tous les supports, il changeait de circuit, il gagnait !
C’est ce que j’aime dans la voile : c’est riche et varié. J’adore régater en Moth, je vais faire un tour du monde, j’ai fait des étapes de la Solitaire, des transats en ORMA, le Tourduf avec les copains...

Le pays où tu aimerais aller ?
La Nouvelle Zélande pour arriver à Auckland en bateau

Ta plus belle escale ?
Istanbul ! A l’arrivée de la Cap Istanbul, en Figaro, en 2007

Tes plus beaux souvenirs de mer ?
Le Cap Horn sous la tempête de neige, en mars dernier
Une arrivée à Gijon… une puissante odeur de ville, d’Espagne

Tes loisirs, en dehors des sports nautiques ?

J’aime la déco, le design, faire des meubles, l’aquarelle, la peinture au couteau, la poterie…
Essayer des choses. Partir de rien et construire un objet
Je suis plus de la génération « cabanes dans les arbres » que « PlayStation et jeux vidéo ». J’ai toujours aimé les activités créatives et manuelles

Ce qui te plaît dans les Ultims ?
Ce sont des bateaux fabuleux. Ils ont la taille parfaite pour braver toutes les mers et tous les vents.
C’est aussi une invitation au voyage : 3 jours pour rallier les Canaries, 6 pour le Brésil… Tu vois la mer, le vent, les températures, les couleurs changer, évoluer. Sur la prochaine course, l’Arkea Ultim Challenge - Brest, je vais atteindre des points inaccessibles, passer par tous les climats, découvrir la faune de chaque océan…

 

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