La balance des poids : l’art du compromis
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Sur un bateau de course, chaque kilo compte. Trop lourd, et il perd de la vitesse. Trop léger, et l’équipage risque de manquer de quoi réparer ou tenir face aux imprévus. C’est ce fragile équilibre que doivent trouver Anthony Marchand et Julien Villion, épaulés par leur équipe technique.
Le skipper d’Actual Ultim 4 résume la philosophie : « Avant de vouloir gagner, il faut déjà être capable de terminer la course. On embarque donc ce qu’il faut pour sécuriser, sans transformer le bateau en camion. » Pour cette Transat Café L’Or, le duo a la chance de s’appuyer sur un héritage précieux : les listes laissées par l’écurie Gitana, additionnées à l’expérience accumulée par le Team Actual. « On ne part pas de zéro. On sait exactement combien pèse chaque élément, et comment cela impacte la performance. » Son acolyte explique la logique adoptée : « On pourrait tout embarquer “au cas où”, mais on perdrait trop en performance. On essaie donc de couvrir les pannes les plus probables, et d’accepter qu’il y ait toujours un scénario qu’on ne pourra pas anticiper. »
Concrètement, cela signifie moins de matériel de bricolage que sur un tour du monde, mais suffisamment pour « panser » le bateau en cas de casse et rallier l’arrivée. Reste la question du sac personnel, qui concentre toute l’ambiguïté. Sur cette transat chaude, le binôme embarque peu de vêtements techniques, mais quelques sous-couches en plus. « La sensation de fraîcheur est un facteur d’efficacité. Quand tu te sens bien, tu tiens plus longtemps. » Même raisonnement côté hygiène et confort : une brosse à dents, un savon, parfois un petit déodorant. « Ça paraît anodin, mais se débarbouiller ou enfiler un tee-shirt propre, ça rebooste autant qu’une manœuvre réussie. »En fin de compte, ce n’est pas seulement une affaire de poids : c’est une affaire de confiance. Chaque objet doit justifier sa place. « On sait qu’il manquera toujours l’introuvable pièce qui casse le jour où tu ne l’as pas embarquée. Mais l’essentiel, c’est de rester en mesure de naviguer vite, sans se condamner à l’abandon. »
La performance commence bien avant le coup de canon, au moment où l’on choisit quoi emporter… et quoi laisser à terre. Comme dans Le Vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway, chaque détail compte : c’est la somme des petits choix invisibles qui fait la grandeur du combat.