J59 | 𝗔𝗥𝗞𝗘𝗔 𝗨𝗟𝗧𝗜𝗠 𝗖𝗛𝗔𝗟𝗟𝗘𝗡𝗚𝗘 - 𝗕𝗥𝗘𝗦𝗧 | Journal de bord

"𝗝𝗲 𝘀𝘂𝗶𝘀 𝗮𝘀𝘀𝗲𝘇 𝗳𝗮𝘁𝗶𝗴𝘂𝗲́ 𝗺𝗮𝗶𝘀 𝗹𝗲 𝗺𝗼𝗿𝗮𝗹 𝗲𝘀𝘁 𝗯𝗼𝗻." - Anthony Marchand

La remontée le long des côtes Sud-Américaines a été assez éreintante car elle s’est faite dans de tout petits airs et très proche de la terre. Dans ce type de conditions, on n’a pas le droit à l’erreur au niveau du sommeil. Le black-out est vraiment interdit car il y a des haut-fond, une foule de bateaux de pêche – certains sans AIS -, des cailloux… Pour finir, j’ai passé énormément de temps sur le pont mais aussi multiplié les manœuvres et les changements de voiles pour gérer au mieux les transitions entre les brises diurnes et les brises nocturnes. Ça m’a demandé énormément d’énergie d’autant qu’il faisait extrêmement chaud car qui dit peu de vent dit peu de courants d’airs. La chaleur était étouffante. Ecrasante, même. Et ça a duré une semaine ! Physiquement mais aussi et surtout mentalement, ça n’a pas été facile à gérer. Je suis ainsi assez fatigué mais le moral est bon.

𝗝𝗲 𝘀𝘂𝗶𝘀 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗲𝗻𝘁 𝗱’𝗮𝘃𝗼𝗶𝗿 𝗳𝗿𝗮𝗻𝗰𝗵𝗶 𝗹’𝗲́𝗾𝘂𝗮𝘁𝗲𝘂𝗿 𝗲𝘁 𝗱𝗲 𝗺𝗲 𝗿𝗲𝘁𝗿𝗼𝘂𝘃𝗲𝗿 𝗲𝗻 𝗔𝘁𝗹𝗮𝗻𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗡𝗼𝗿𝗱

Content surtout de profiter de ces alizés tant attendus et de commencer à avoir un peu moins chaud, notamment pour dormir. J’ai encore plus ou moins 48 heures devant moi pour continuer à bien me reposer. La situation va, en effet, rester assez stable jusqu’à l’anticyclone des Açores, avec un grand bord tribord amure pour aller chercher le centre de cette zone fermée de hautes pressions avant de virer de bord.

𝗟𝗮 𝘀𝘂𝗶𝘁𝗲 𝗱𝗲𝗺𝗲𝘂𝗿𝗲, 𝗲𝗻 𝗿𝗲𝘃𝗮𝗻𝗰𝗵𝗲, 𝘂𝗻 𝗽𝗲𝘂 𝗶𝗻𝗰𝗲𝗿𝘁𝗮𝗶𝗻𝗲

Les modèles diffèrent. Sur la route de Brest, les régimes dépressionnaires ne sont pas encore très bien calés. A date, je compte 600 milles d’avance sur Éric Péron. Avec nos Ultims, ce n’est pas énorme. A certaines vitesses, cela ne représente que 24 heures. Il peut donc se passer encore beaucoup de choses surtout que nos bateaux, et c’est normal à ce stade de la course, sont forcément fatigués. Le but est avant tout de réussir à préserver la machine. Pour cela, il faut donc rester vigilant et peut-être essayer de trouver un endroit où il y a moins de vent et moins de mer pour être sûr d’arriver au bout. Au final, ma plus grosse concurrence n’est pas forcément Adagio mais plutôt la casse matérielle

𝗠𝗲𝘀 𝗴𝗼𝘂̂𝘁𝘀 𝗼𝗻𝘁 𝗰𝗼𝗺𝗽𝗹𝗲̀𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗰𝗵𝗮𝗻𝗴𝗲́𝘀 𝗱𝗲𝗽𝘂𝗶𝘀 𝗹𝗲 𝗱𝗲́𝗽𝗮𝗿𝘁 𝗱𝘂 𝘁𝗼𝘂𝗿 𝗱𝘂 𝗺𝗼𝗻𝗱𝗲

En termes de nourriture, d’ici à la fin, je ne vais assurément pas mourir de faim. Ma seule problématique, c’est que mes goûts ont complètement changés depuis le départ du tour du monde. Au début, je n’avais que de très bonnes choses. Désormais, il ne me reste que des trucs dont je n’ai pas très envie. Les moustaches de ma barbe commencent à frétiller à la perspective de l’entrecôte – frites qui m’attend au port de Brest ! Cela étant dit, je ne me projette pas encore si loin. Je le fais sciemment car je sais que les derniers milles paraissent toujours terriblement longs lorsque l’on commence à trop y penser. Je sais que j’ai encore du chemin devant moi. Je me concentre donc pour continuer de bien faire marcher le bateau, soigner ma trajectoire et profiter du moment présent. Je commencerai à y songer vraiment dans les dernières 24 heures car à partir de là, les minutes compteront triple.

𝗖𝗲 𝗾𝘂𝗶 𝗺𝗲 𝗺𝗮𝗻𝗾𝘂𝗲 𝗹𝗲 𝗽𝗹𝘂𝘀 ?

La famille, les amis, ma chérie, l’équipe technique, mais aussi plein de petites choses comme aller chercher ma baguette le matin à la boulangerie, commander des sushis, aller au restau avec les copains et rigoler avec eux, même sans parler mais juste en les entendant jacasser. En somme, plein de détails.

Source : Voiles & Voiliers