Transat Café L’Or : J10 - Les lignes bougent encore
Crédit photo : Anne Beaugé
Sortis secoués de leur premier passage dans le Pot-au-Noir, Anthony Marchand et Julien Villion s’attaquent ce mardi au second - nettement moins venimeux - avant de pouvoir enfin emprunter l’autoroute vers les Antilles. Il y a peu, ils avaient dû encaisser un vrai coup dur : un nuage mal luné, un élan cassé net, et Sodebo Ultim 3 qui reprenait le large. Frustration, déception… mais surtout transmutation. Ils ont remis du rythme, du physique, de l’engagement. Ils ont barré non-stop, en se relayant toutes les deux heures, pour aller grappiller des dixièmes de nœuds… qui ont fini par devenir des milles. Et le fruit est là : Actual Ultim 4 est revenu à moins de 85 milles, en distance au but, de Thomas Coville et Benjamin Schwartz. La fin de course s’annonce rapide, tonique, soutenue par un alizé bien établi. Tant que la ligne de Fort-de-France n’est pas franchie, ils y croiront jusqu’au bout.
Revenir par la force du jeu
Dimanche, Actual Ultim 4 sortait éprouvé de son premier Pot-au-Noir. Puis la mer était redevenue lisse, le ciel enfin simple. Alors ils ont attaqué. « Hier, on a fait que de barrer le bateau », a raconté Anthony. « On se relayait comme si on n’avait plus de pilote automatique, avec ce niveau d’intensité extrême qu’on met sur une Solitaire du Figaro. Toutes les deux heures on changeait. » Ce n’était pas du panache gratuit : c’était stratégique, clinique, méthodique. Ligne après ligne, le petit journal d’apothicaire des deux skippers - ce bloc-notes du téléphone du bord où ils notent les écarts avec Sodebo Ultim 3 à chaque pointage - a repris ses couleurs les plus motivantes. « On revient, on revient ». Et le logiciel interne se re-paramètre instantanément : ils sont redevenus chasseurs actifs. Ils ont repris prise sur la course.
Le deuxième Pot-au-Noir : un passage, pas un piège
Ce mardi matin, Actual Ultim 4 ré-entre dans une zone de désordre atmosphérique : le « deuxième Pot ». Mais celui-ci n’a rien d’un remake de l’enfer d’il y a quelques jours. « Il y a des cellules orageuses, mais rien à voir avec ce qu’on a vécu avant », a dit Anthony. « Il faut rester attentif, scruter le ciel, corréler chaque nuage avec ce qu’on voit sur les images satellite, et ajuster en temps réel. » Un empannage, une remontée au nord pour retraverser proprement cette langue instable, et la porte s’ouvrira. Derrière, c’est limpide : grand portant pleine balle, mer maniable, 20 à 27 nœuds d’alizés. Le terrain rêvé des Ultim. « Ces bateaux sont faits pour ça. Ça va être du plaisir à 100% même si ça va être bien physique. On va continuer à cravacher pour ne rien regretter. Jusqu’à la fin. »
Y croire jusqu’au dernier mille
La leçon de ces dernières 24 heures est là : il n’y a pas eu de résignation. Anthony et Julien ont accepté le contretemps, basculé en mode action, mobilisé leur mental. C’est leur marque de fabrique. Ce matin, ils sont remarquablement revenus sur Sodebo Ultim 3. Ce n’est pas un rattrapage symbolique, c’est un rappel très concret : cette transat ne se joue pas au souvenir de ce qui a été… mais à ce qui va se passer maintenant. En clair, tant que la ligne n’est pas franchie, tout peut rejouer, tout peut rebasculer. Rester dedans. Rester vifs. Rester agressifs sans s’exposer. « On ne va pas les laisser tranquilles comme ça. S’ils sentent qu’on revient, c’est déjà un impact. C’est ça, la régate », a tranché le navigateur. Et c’est là, exactement là, que se trouve peut-être leur plus belle arme : cette aptitude à réinventer l’élan, à transformer le coup dur en carburant. Le dernier tiers de course commence. Les écarts ne sont plus seulement une affaire de milles… mais d’intention, et de nerf.