Transat Café L’Or : J3 - Apprivoiser l’ombre de l’avarie

Crédit photo : Anne Beaugé

Anthony Marchand et Julien Villion s’apprêtent à entamer ce mardi après-midi leur troisième jour de course sur la Transat Café L’Or. À bord d’Actual Ultim 4, ils évoluent au large du cap de Roca, pointe la plus occidentale de l’Europe continentale, au Portugal. Après avoir subi, comme attendu, le ralentissement imposé par la dorsale anticyclonique au large du cap Finisterre, ils ont retrouvé de belles vitesses hier soir, alors qu’ils contournaient par l’extérieur le Dispositif de Séparation de Trafic (DST) éponyme, tandis que leurs concurrents choisissaient l’intérieur. Ce matin, ils naviguent à une cinquantaine de milles des leaders, une distance dérisoire pour ces géants capables d’engloutir des centaines de milles en une journée. Dans leur sillage, l’équipage de Banque Populaire XI poursuit sa route avec ténacité malgré une avarie, rappel que la casse fait partie intégrante de ce type de course, une ombre avec laquelle chaque marin doit composer.

« Si tu y penses trop, tu n’oses plus pousser »

Dans un coin de la tête, l’idée revient sans cesse : et si ça cassait ? Et si le bateau se retournait ? « On fait du multicoque. Le risque existe, il faut l’accepter », souligne Anthony Marchand. Mais il serait dangereux de s’y enfermer. « Si tu y penses trop, tu n’oses plus pousser », renchérit Julien Villion. Alors, les marins apprennent à apprivoiser cette pensée, à la ranger dans un coin pour qu’elle ne vienne pas paralyser leurs gestes.

L’ombre de l’avarie plane, mais elle forge l’humilité et la concentration

La plupart des abandons viennent d’une pièce qui lâche, rarement d’un cataclysme. « Ce n’est pas tant la casse spectaculaire que la petite pièce oubliée qui fait tout basculer », rappelle Anthony. D’où l’importance des préparatifs minutieux, des check-lists méthodiques, de la vigilance constante. Quant au chavirage, il reste plus improbable qu’on ne l’imagine sur maxi-trimarans, contrairement à d’autres unités, nettement plus volages. « Nos plateformes sont larges, stables. Le risque existe surtout au portant, quand on garde beaucoup de toile », explique Julien. La gestion prudente, les systèmes redondants, l’expérience réduisent cette menace. Vivre avec ce risque fait partie du métier. « C’est comme prendre la voiture. Tu sais que tu peux avoir un accident, mais tu conduis quand même », sourit le Morbihannais. L’ombre de l’avarie plane, mais elle forge l’humilité et la concentration. Car c’est bien cette incertitude, à la fois inquiétante et fascinante, qui donne à la course au large son intensité : avancer vite, mais toujours sur le fil.

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