Transat Café L’Or : J5 - L’art des micro-siestes
Crédit photo : Anne Beaugé
Ce jeudi, Anthony Marchand et Julien Villion s’apprêtent à entrer dans leur cinquième jour de course dans la Transat Café L’Or. Après avoir débordé les Canaries hier en fin de journée en choisissant de les contourner par l’ouest, le duo a limité l’impact des dévents. La manœuvre n’a toutefois pas permis d’échapper totalement à l’effet « tampon » des îles, dont le Teide culmine à plus de 3700 mètres, mais elle a réduit le risque de rester englués dans les calmes. De son côté, Sodebo Ultim 3 a, lui, choisi un passage plus resserré entre Tenerife et La Palma. Un pari audacieux, qui ne l’a finalement pas vraiment ralenti. Résultat : les classements restent inchangés, mais Actual Ultim 4 a tout de même grignoté un peu de terrain par rapport à la distance au but. Après ce passage, les deux marins poursuivent désormais leur route vers le Cap-Vert.
La stratégie ne concerne pas seulement la route à suivre : elle implique aussi la gestion de soi
Ce matin, ils progressent dans un vent encore instable. Julien confiait hier attendre avec impatience le moment où le bateau filerait enfin bien calé dans les alizés pour pouvoir souffler un peu. Mais l’attente se prolonge : les vitesses oscillent du simple au double, entre 10 et 25 nœuds. De quoi compliquer l’avancée du bateau… et retarder aussi le moment où l’équipage pourra vraiment récupérer. Car en mer, la stratégie ne concerne pas seulement la route à suivre : elle implique aussi la gestion de soi. Et dans ces courses au long cours, bien dormir devient un défi aussi important que de trouver la bonne stratégie. Sans repos, impossible de tenir la cadence imposée par ces géants de 32 mètres. De fait, dormir à bord d’un Ultim n’a rien à voir avec le sommeil terrestre. Les marins vivent de fragments de repos, quelques minutes grappillées entre deux manœuvres.
Des phases d’une heure environ, chacun à son tour
Depuis le départ, Anthony et Julien s’accordent des phases d’une heure environ, chacun à son tour. « En solo, c’est 10, 20, 30 minutes, souvent sans réveil. En double, c’est différent : tu laisses plus de temps à l’autre, mais le réveil est plus brutal », explique le premier. Le second décrit cette gymnastique : « On dort par tranches, jamais longtemps, mais on finit par accumuler assez pour tenir. Et il y a une règle tacite : si l’autre dort bien, tu prolonges son repos. » Cette bienveillance réciproque est vitale. Ces siestes éclatées ne sont toutefois jamais un vrai sommeil. « Les oreilles restent en alerte, tu entends le bateau, tu sens ses vibrations », dit Anthony. Pourtant, le corps parvient à récupérer, à condition d’accepter ce rythme morcelé. L’expérience crée des automatismes. « Tu finis par fermer les yeux et t’endormir instantanément », sourit Julien. Le vrai défi est de basculer vite entre veille et repos. « Tu sors de ta bannette, et parfois, tu ne sais plus où tu es. Il faut quelques minutes pour reconnecter », avoue Anthony. Un sommeil étrange, mais efficace : la condition pour rester performant.