j-4 Transat Café L’Or : Dans la tête d’un marin à quelques jours d’un départ de course au large

Crédit photo : ATM Communication

L’automne s’apprête à faire son entrée fracassante avec une première tempête annoncée sur le nord de la France ce jeudi. A 4 jours du départ de la mythique transatlantique en double (la Transat Café L’Or, ex Jacques Vabre) qui verra s’élancer 74 bateaux du Havre direction la Martinique, zoom sur une autre météo, une prévision plus intime : celle de l’état d’esprit des marins. Quelles émotions les traversent alors qu’ils s’apprêtent à quitter la terre ferme ? Comment trouvent t’ils la bonne stabilité après 10 jours de sollicitations sur le village pour être prêts à tracer la route au large ? À l’aube de ce nouveau départ de course, immisçons-nous dans l’esprit d’Anthony Marchand et de Julien Villion, à la barre du bateau vainqueur des dernières grandes courses rebaptisé Actual Ultim 4.

La force des routines

Au Havre depuis le 15 octobre, les journées s’étirent entre obligations médiatiques, briefings techniques et derniers réglages. Mais ce sont souvent les soirées qui révèlent l’essentiel : la capacité de chaque skipper à trouver son rythme et apprivoiser l’attente.

Anthony Marchand conserve une étonnante sérénité à l’approche d’un grand départ. Qu’il s’agisse d’une transatlantique ou d’un tour du monde, il parvient toujours à se reposer correctement : « Je dors très bien. La veille du jour J, je sombre comme si de rien n’était ». Sa recette repose sur une mécanique immuable : « un dernier point météo vers 20 ou 21 heures, puis un ou deux épisodes de série, ça m’évite de ressasser. Je m’évade, et je plonge dans un sommeil profond. »

Julien Villion, son co-skipper, lui adopte une autre stratégie. « J’essaie de basculer progressivement en mode marin. Dès l’avant-veille, je change un peu mon alimentation, je teste des micro-siestes. C’est une façon de préparer le corps et l’esprit à la transition. » Il choisit aussi de limiter la présence de proches sur le quai, préférant entrer doucement dans sa bulle.

Tous deux partagent cependant la même conviction : l’importance des routines. Le sport de haut niveau en est rempli . « Répéter, cocher, vérifier… la meilleure manière d’éviter de stresser, c’est de tout passer méthodiquement en revue, avec des check-lists. Une fois cochées, la charge mentale tombe ».

Ces nuits d’avant course ne sont pas qu’une affaire de sommeil ou d’insomnie. Elles sont une lente bascule entre la terre et la mer, entre le tumulte du village et la solitude du large. Dans ces heures suspendues, la puissance des petites routines tient lieu de boussole : elles alignent l’esprit avant que le corps ne s’élance.

Credit photo : Anne Beaugé

La météo intérieure : apprivoiser ses émotions avant le départ

À quatre jours du coup de canon, les isobares ne racontent pas toute l’histoire. Il existe une autre prévision, une météo intérieure faite d’excitation, d’impatience, mais aussi d’appréhension. Car quitter le monde des terriens pour entrer dans celui du large ne se fait pas d’un claquement de doigts : c’est une bascule progressive, autant mentale que physique.

Anthony en connaît bien les secousses : « Tu viens de passer dix jours entouré de proches, de partenaires, de médias… et tu sais que tout ça va s’effacer d’un coup. Le premier jour en mer, ton cerveau est en ébullition : tu penses à mille choses. Tu te demandes si tu n’as pas oublié un détail. » Cette fébrilité fait partie du jeu, mais elle doit être maîtrisée. « Le plus dur, c’est de canaliser cette agitation pour rester clair dans ses décisions. »

Julien vit la même intensité mentale, mais s’appuie sur sa méthode : « Tu es dans une forme d’hyper-vigilance tournée vers toi-même. La check-list défile en boucle, tu repasses les préparatifs, tu t’interroges sur le moindre choix. Il faut accepter que l’incertitude fasse partie du truc. » Pour lui, le vrai défi est de ne pas se laisser submerger par les émotions. Cette météo intérieure oscille sans cesse entre trop et pas assez. Trop d’intensité et l’on s’épuise, trop de relâchement et l’on perd le fil. Trouver l’équilibre devient alors une discipline en soi.
C’est l’expérience d’athlète de haut niveau qui permet de transformer le tumulte en méthode et l’appréhension en concentration.

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